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Le goût de l’or

Sommelière certifiée, blogueuse et chroniqueuse bien connue, Natalie MacLean s’y connaît passablement en vins du Canada et d’ailleurs. Pour le compte de Chic, elle a discuté avec des vignerons canadiens d’ouest en est au sujet de la culture du vin en région nordique.

La viticulture en climat froid peut donner des vins de calibre mondial, si l’on oublie la culture aisée pour songer au potentiel d’excellence. C’est le vigneron néo-écossais Jean-Benoit Deslauriers qui le dit. Son rosé pétillant Benjamin Bridge Méthode Classique a été sélectionné pour représenter le Canada aux Jeux olympiques de Londres. Le commentaire de Deslauriers souligne aussi les difficultés auxquelles font face les viticulteurs canadiens pour produire chaque année des vins de premier plan.

«Nous utilisons la saison de croissance plus fraîche pour laisser nos raisins mûrir lentement en automne, afin de préserver une acidité élevée et d’éviter une maturation hâtive et une accumulation de sucres, qui engendrent des vins mous, sucrés et forts en alcool», explique-t-il. Les trois cépages les plus abondants du domaine sont de la famille classique vinifera: chardonnay, pinot noir et pinot meunier, tous moins résistants à l’hiver que les espèces hybrides, mais plus complexes. Cultiver ces raisins fragiles dans des zones soumises au gel hivernal relève du coup de dés.

Même si la baie de Fundy est moins assujettie aux températures extrêmes — ce qui explique l’expansion de l’industrie vinicole dans la vallée de l’Annapolis — le mercure peut néanmoins chuter sous les -22°C. Les précipitations annuelles abondantes exigent également une gestion stricte des menaces liées à l’humidité, comme le champignon Botrytis cinerea.

«La vie d’une vigne peut s’étaler sur un siècle, alors nous devons tolérer les variations en pensant à long terme, sans relâcher la vigilance après quelques hivers doux et secs», ajoute Deslauriers.

De l’autre côté du pays, les vignerons britanno-colombiens comme Tony Stewart, de Quails’ Gate Estate Winery, doivent aussi composer avec le climat et les précipitations. Pour produire son vin phare, le Pinot Noir Stewart Family Reserve, Stewart travaille un sol aux caractéristiques uniques.

«Le sol volcanique du mont Boucherie, où poussent les vignes, draine rapidement l’humidité en plus d’être pauvre en éléments nutritifs et en matières organiques», explique Stewart. «Les plants luttent vaillamment en enfonçant profondément leurs racines dans le roc pour en retirer des nutriments. Ce faisant, ils absorbent toutes les nuances subtiles et variées qui produisent de petits raisins aux parfums concentrés.»

L’âge de la vigne est important lorsqu’on cultive du pinot noir. Les vins des plants de Quails’ Gate âgés de 25 ans ou plus reflètent davantage le terroir, avec des saveurs et des arômes moins fruités, plus complexes et éthérés avec le temps. Le Pinot Noir Reserve est élaboré après une sélection et un mélange méticuleux, à partir de 16 barils différents — eux-mêmes fabriqués par les meilleures tonnelleries françaises au coût de 1250$ chacun.

«Nous pratiquons également la viticulture à faible rendement, en taillant beaucoup de raisins que nous n’utilisons pas pour que les autres soient plus concentrés», précise Stewart. «L’élimination de fruits encore verts de la taille d’un pois est laborieuse et coûteuse, mais cela en vaut la peine.»

Les coûts élevés sont aussi le lot des producteurs de l’un des vins canadiens les plus connus: le vin de glace. Les raisins entrant dans sa composition sont généralement récoltés en décembre ou en janvier, alors qu’ils sont gelés sur la vigne. Une attente si longue peut se traduire par une perte de 60 pour cent comparativement à la récolte d’automne, en raison de la mauvaise température et des étourneaux affamés. La quantité de jus obtenue n’équivaut qu’à 15 ou 20 pour cent des raisins non gelés. Ces billes glacées ont même déjà brisé le pressoir du vignoble Inniskillin.

Inniskillin Wine Estates, dans la péninsule du Niagara, est le premier vignoble dont le vin de glace a valu une renommée au Canada en remportant le Grand prix d’honneur en France en 1991, surpassant plus de 4000 des meilleurs vins du monde lors de l’équivalent viticole des Olympiques.

«Pour créer un bon vin de glace, il faut être assez patient pour endurer les enchaînements de conditions de gel et de dégel qui confèrent aux raisins différentes couches de saveurs», confie le vigneron Bruce Nicholson. La peau mince du riesling peut se rompre facilement et pourrir sous une pluie douce et tiède.

«L’an dernier, la fermentation aussi a été angoissante, car elle a été lente et prolongée. Elle aurait très bien pu stopper avant de se terminer, ce qui aurait généré un taux d’alcool en déséquilibre avec l’acidité et la sucrosité du vin. Heureusement, ça ne s’est pas produit et je crois que nous avons vinifié l’un de nos meilleurs vins de glace de tous les temps.»

La patience est toujours récompensée, surtout si l’on produit — et que l’on déguste — des vins canadiens.

TROIS CHAMPIONS CANADIENS

Vin de glace Riesling 2008, V.Q.A., Inniskillin, péninsule du Niagara, Ontario
Le contraste entre la richesse de l’abricot et l’acidité subtile et fraîche est spectaculaire?! Sans être mielleux, il est délicieusement sucré avec une finale si satisfaisante qu’on en veut encore. Accordez-le avec une crème brûlée, des tartelettes au beurre et un livre au coin du feu. À boire?: entre 2013 et 2020. 72 $ Pointage: 93/100

Pinot Noir Stewart Family Reserve 2008, Quails’ Gate Estate Winery, vallée de l’Okanagan, C.-B.
Du bonheur satiné qui s’étend sur votre langue, agrémenté d’arômes somptueux de cerises pulpeuses et de violettes. Une note charnue en milieu de bouche donne à ce vin du poids et de la texture. Accordez-le avec du saumon grillé ou sur planche, un risotto aux champignons ou des cailles accompagnées de betteraves ancestrales, de noix et de fromage de chèvre. À boire?: entre 2013 et 2015. 45 $ Pointage?: 92/100.

Rosé pétillant Méthode Classique 2008, Benjamin Bridge, Gaspereau Valley, Nouvelle-Écosse
Les arômes séduisants de fraises des champs de ce vin pétillant vous chatouillent les narines. Il arbore une charmante teinte saumon pâle et une touche de grillé se prêtant aux réjouissances. Accordez-le avec du homard frais de Nouvelle-Écosse, du canard à l’orange, des mets d’inspiration méditerranéenne et des convives pétillants. À boire?: entre 2013 et 2015. 45 $ Pointage: 91/100

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Germain Hôtels8 mai 2015
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